Présentée comme un « investissement citoyen » sur la plateforme Enerfip, la levée de fonds pour le financement des études du parc éolien sur les communes de St Angel/St Victor promet 7 % de rendement aux riverains. Quelles sont les intentions du groupe Boralex qui porte le projet ?
Une multinationale en perte de vitesse derrière le discours citoyen
Le porteur du projet n’est pas une coopérative locale, mais la multinationale canadienne Boralex, cotée à la Bourse de Toronto (TSE:BLX).
Si Boralex est présentée comme un acteur dynamique des renouvelables, ses comptes récents relativisent cette posture. Au 2ᵉ trimestre 2025, le groupe affiche 197 millions de dollars canadiens de chiffre d’affaires (+4,2 %), mais un résultat net négatif de 10 millions, après un bénéfice l’an passé. Le cours de l’action a perdu près de 31 % en cinq ans.
Boralex monte aujourd’hui une nouvelle opération locale pour lui permettre à la fois d’améliorer son image et d’obtenir une acceptabilité sur le terrain. Ce n’est pas une première pour ce promoteur. On se souvient qu’une opération identique avait déjà été tenté en 2022 pour le projet éolien de Blomard / St Bonnet de Four avec un succès très mitigé.
Les motivations affichées de Boralex restent obscures. Le projet a déjà fait l’objet d’un dépôt de demande d’autorisation environnementale auprès de la préfecture. Les études sont donc terminées. Pourquoi ouvrir un financement participatif pour les études alors qu’elles sont déjà bouclées ?
7 % par an : appât marketing ou véritable partage ?
Ce projet éolien, porté par la multinationale canadienne Boralex, est aujourd’hui présenté sur la plateforme Enerfip comme une opportunité d’« investissement citoyen » local.
Mais à y regarder de près, c’est surtout une supercherie financière bien ficelée destinée à acheter l’adhésion des habitants.
Ce 7 % n’est pas une prime à la transition : c’est une prime au calme social.
Des chiffres qui posent question
La souscription Enerfip pour Auzelon est limitée, dans un premier temps, aux habitants de Saint-Victor, Saint-Angel et Verneix — moins de 3 500 personnes. Pourtant, en moins d’une semaine, 28 souscripteurs auraient versé en moyenne 3 700 €, soit plus de 100 000 € collectés.
Dans un territoire où le revenu médian tourne autour de 20 000 € annuels, cette dynamique est surprenante. Il est légitime de s’interroger : qui sont ces investisseurs ? Des riverains aisés ? Des élus ? Des proches du porteur ?
On rappelle que ce projet est soutenu depuis le début par des élus des trois communes. Si des élus figuraient parmi les souscripteurs, cela soulèverait la question d’un conflit d’intérêts — voire de la prise illégale d’intérêts (art. 432-12 du Code pénal).
Enerfip : transparence affichée, accès différé
La plateforme se présente comme la vitrine du « financement citoyen » des renouvelables. Mais l’accès aux documents contractuels n’est pas immédiat : il nécessite une inscription, souvent validée après examen du profil. Une contrainte qui nuit à la transparence et à la capacité d’analyse des habitants.
Par ailleurs, l’« homologation AMF » dont Enerfip se prévaut n’est pas une assurance de sécurité financière : elle vérifie la conformité de l’opération, pas la viabilité économique du projet. Les investisseurs particuliers supportent donc seuls le risque.
Qui gagne ? Qui perd ?
Acteur | Ce qu’il gagne | Ce qu’il risque |
---|---|---|
Boralex | Financement partiel, image verte, acceptabilité sociale | Faible |
Enerfip | Commissions et visibilité | Aucun |
Habitants | 7 % d’intérêt… si tout va bien | Perte intégrale ou partielle du capital |
La mécanique est donc asymétrique : la promesse de rendement masque une répartition des risques qui avantage fortement le promoteur et l’intermédiaire.
Une transition sous influence financière
Au-delà du cas local, Auzelon illustre une tendance plus large : la financiarisation de la transition énergétique. La participation citoyenne est réinterprétée comme une variable d’ajustement du consentement social — et non comme une véritable gouvernance partagée.
On arrive à des projets portés par des groupes étrangers, financés partiellement par les habitants, souvent sans que ceux-ci obtiennent de pouvoir réel sur les décisions ou de protection suffisante en cas d’échec.
Un rendement qui coûte cher
Le rendement de 7 % offert aux habitants n’est pas une invitation à co-construire la transition. C’est une contrepartie financière pour acheter la tranquillité locale et réduire la contestation. Les habitants qui prêtent leur argent deviennent, sans le savoir parfois, des cautions d’un projet industriel qui sert d’abord les intérêts d’acteurs financiers.
Avant d’entrer dans ce type de montage, il importe que les élus, associations et citoyens exigent la plus grande transparence : publier la liste des souscripteurs (selon le cadre légal), clarifier les garanties bancaires, et vérifier l’absence de conflits d’intérêts dans les décisions locales.