L’association Association de Sauvegarde du Sud Nivernais et Sologne Bourbonnaise organisait une réunion d’information intercommunale le mercredi 20 mars à Saint Ennemond.
Son président Antonius Streichenberger s’est félicité d’accueillir plus de 90 personnes dont de nombreux élus des communes voisines : Mme Lydie PEROT-CLAVEL maire de Saint Ennemond, Joël PRUGNAUD maire de Gennetines, Phillipe CHARRIER, maire de Chevagnes, Xavier FAIVRE-DUBOZ, maire de Chezy, Franck TOURRET, élu de La Chapelle-Aux-Chasses, Frederic VERDIER vice-président de Moulins Communauté en charge de développement durable et à la transition écologique.
De nombreux intervenants se sont succédés pour présenter différents aspects des projets éoliens en général et de ceux de Lucenay les Aix et Saint Ennemond en particulier.
Le mitage éolien dans l’Allier
Jean-Michel Desmon, président du Collectif Allier Citoyens a évoqué le mitage éolien dans l’Allier qui compte plus de 70 projets. Un des objectifs de ce collectif est de sensibiliser au risque de l’encerclement. Le potentiel est de plus de 400 éoliennes. Pourtant le gisement éolien est très faible (source ADEME). Il a également abordé le sujet des retombées financières pour les communes qui accueillent les machines. En prenant l’exemple de Lucenay les Aix les revenus fiscaux sont estimés à 32 000 €/an pour 5 éoliennes. De quoi refaire 3 km de chemin communal. On est très loin de la manne financière que décrivent parfois les élus. Sans oublier les retombées financières négatives qui ne sont jamais évaluées comme la désertion des habitants, la perte d’attractivité pour de nouveaux habitants ou entrepreneurs ou la perte d’attractivité touristique.
Impact sur la biodiversité
L’impact de ces projets sur la biodiversité a été abordé par Jean-François Désiré, ornithologue amateur qui connait parfaitement l’avifaune autour de Saint Ennemond. Une très grande diversité, plus de 135 espèces dont beaucoup sont protégées, ont été observées dans cette zone comme la cigogne noire, le milan royal et la pie-grièche à tête rousse…
L’ornithologue a insisté sur le fait que les oiseaux peuvent peut-être éviter un parc mais pas une succession comme on peut l’observer sur la carte des projets dans l’Allier. Il a rappelé que cette zone se trouve sur l’un des couloirs européens de migration des grues cendrées.
Didier Berger, habitant de Liernolles et membre de l’association Val de Roudon a présenté une longue liste de 40 nuisances attribuées à l’éolien. Parmi eux le bruit que produisent les machines ou les provisions insuffisantes pour le démantèlement.
Evolution de la réglementation française et européenne
Myriam Desmon, secrétaire du Collectif Allier Citoyens a poursuivi avec l’évolution de la réglementation française et européenne au cours des années pour faciliter le déploiement de l’éolien à grande échelle. La loi d’accélération, la loi d’industrie verte RepowerEU. Autant de mesures pour permettre d’installer toujours plus de machines avec des procédures accélérées. La politique imposée par l’Europe pousse au déploiement des EnR intermittentes (photovoltaïque et éolien) et non pas bas carbone alors que la France est déjà le meilleur élevé européen dans sa production d’électricité décarbonée. Tous ces aménagements se concentrent sur l’électricité qui ne représente que 20% de la consommation d’énergie. Les 75% restants sont oubliés.
Décisions préfectorales et actions juridiques
Néanmoins à l’échelle locale les décisions récentes de la préfecture et celles de la justice administrative ont été dans le sens de la préservation du territoire. Les projets du Theil-Deux Chaises et du Bouchaud ont été refusés coup sur coup par le préfet de l’Allier. Les cours administratives d’appel (CAA) de Lyon et de Versailles ont refusé les demandes des porteurs de projets pour Bransat et La Perche. Le Conseil d’État a cassé en décembre 2023 une ancienne décision de la CAA de Lyon pour la contraindre à juger le dossier éolien de Gipcy qui avait été rejeté une premières fois. Des décisions encourageantes qui ne doivent pas faire oublier la pression toujours très importante des services de l’état puisque 6 enquêtes publiques devraient voir le jour en 2024 dans le département.
L’impact sur l’immobilier
Olivier Raffin qui est à la tête de deux agences immobilières à Moulins et à Geugnon, témoignait de l’impact de l’éolien sur l’immobilier. Il est notamment intervenu sur des transactions à proximité du parc de la Chapelle au Mans où la décote des biens a atteint 40%. La simple présence d’un projet suffit à faire perdre de la valeur à l’immobilier. La perte intervient bien avant l’installation des machines. Une des premières questions que posent les clients de l’agence, « Y-a-t-il un projet de projet éolien à proximité ? ». Les clients sont très sensibles à ce point. Il a conclu en ajoutant qu’il n’avait jamais rencontré de clients qui lui demandaient un bien avec une vue imprenable sur un parc éolien.
L’enquête publique
Christophe Jacob, président de l’association Contre-courant Val-de-Besbre a rappelé que les enquêtes publiques sont obligatoires pour tout projet susceptible de porter atteinte à l’environnement comme les projets éoliens. Elles sont conçues pour examiner les implications sociales, économiques et environnementales sous la supervision d’une commission enquête. Les intérêts contradictoires des parties prenantes, tels que les riverains, les promoteurs et les services de l’état, ainsi que la complexité de la hiérarchie normative, rendent cet exercice difficile. Si in fine les projets sont refusés, ils le sont le plus souvent pour des raisons d’atteinte à la biodiversité ou au patrimoine accompagnées d’une opposition locale forte. Quand on examine les décisions préfectorales depuis 2018, on trouve autant de projets éoliens refusés qu’autorisés. Tous font l’objet d’un recours soit de la part des promoteurs pour ceux qui ont été refusés, soit de la part des associations pour ceux ont été autorisés. Ces éléments sont importants à connaitre pour contribuer de la façon la plus efficace possible aux enquêtes publiques.
Les projets de Saint Ennemond et Lucenay lès AIx
Enfin les projets locaux ont été évoqués. D’abord celui de Saint Ennemond qui est porté par la société APAL, issue de la fusion de deux sociétés ADE & 3N. Basée à Nancy, c’est une petite structure de 20 personnes qui n’a pour l’instant aucun parc éolien en exploitation, uniquement des projets en développement. Ce projet fait écho à un premier porté par une autre société (SAMEOLE) qui avait été finalement rejeté par la préfecture en 2018. Ici il est prévu d’implanter 4 machines de forte puissance de 180m minimum. En juillet 2023 le conseil municipal de St Ennemond a manifesté son opposition par une délibération mais APAL continue d’avancer sans tenir compte de l’avis de la commune. La zone d’implantation, située à la Pierre Cendrée, présente des similitudes en termes d’enjeux de biodiversité avec la zone du premier projet alors que c’est précisément à cause de cet impact qu’il avait été refusé en 2018. Il est difficile d’imaginer que les mêmes impacts ne conduisent pas au même résultat.
L’autre projet, celui de Lucenay lès Aix est porté par Gaz Electricité de Grenoble (GEG) en collaboration avec Soleil du Midi Développement (SDMD), deux sociétés françaises. SDMD intervient dans le développement de nombreux projets dans l’Allier mais GEG n’a aucune expérience en matière d’éolien. Les premières démarches auprès des élus ont commencé en 2018 et les études d’impact en 2022. L’interêt est monté d’un cran au printemps 2023, quand le mât de mesure a été installé et que de nombreux riverains ont découvert l’existence de ce projet. GEG envisage de déposer un dossier de demande d’autorisation environnementale à la préfecture à l’automne 2024. Là aussi il s’agit d’installer entre 3 et 5 machines de forte puissance d’une hauteur de 200m. La zone d’implantation comporte de nombreuses habitations à moins de 2000m et est située dans une zone très riche en biodiversité comme l’a mentionné Jean-François Désiré. Par ailleurs le porteur de projet oublie de mentionner que plus de la moitié de la zone annoncée ne bénéficie pas d’accord foncier.
Le projet surprise
Un autre projet s’est invité dans cette réunion : celui de Chézy. En effet des propriétaires fonciers de cette commune ont reçu récemment un courrier d’un autre promoteur, KDE, leur proposant d’installer des machines sur leurs terres. La zone d’implantation potentielle se situe sur une zone à 500m à l’ouest du bourg de Chézy. Le maire de Chézy, Xavier FAIVRE-DUBOZ, présent ce soir-là, a expliqué qu’il avait été informé par courrier de la démarche de KDE auprès des propriétaires fonciers mais qu’il ne soutenait pas plus le projet de KDE que ceux de nombreux autres promoteurs même si le courrier laissait entendre le contraire.
Le président Antonius Streichenberger a conclu en remerciant le public et tous les élus présents pour leur engagement en rappelant qu’il fallait être vigilant à l’encerclement que tous ces projets pouvaient engendrer. Même s’il était question de 3 projets éoliens ce mercredi 20 mars, il ne faut pas perdre de vue les autres projets qui menacent notre territoire et notre cadre de vie.