Le rapport de la commission d’enquête concernant le projet de création du parc éolien de Bransat 2 a été publié le 28 août dernier, soit deux mois après la clôture de l’enquête publique. Peut-être la commission aurait-elle dû prendre plus de temps avant de rendre un avis.
La participation du public a été très large et près de 1000 observations ont été recueillies, presque toutes défavorables. Elles invoquaient principalement des préoccupations sur la biodiversité, le bruit, la santé et l’impact paysager.
Dans le même temps, 10 communes limitrophes ont rendu des avis défavorables pour manifester leur opposition au projet.
Avec une telle mobilisation des habitants et des élus, on pouvait s’attendre à un avis qui, à minima, évoque les incohérences de l’étude d’impact et tienne compte des observations. Pourtant, tout ceci n’a pas empêché la commission d’enquête de rendre un avis favorable pour ce projet, qui, on le rappelle, avait été refusé une première fois en 2021 pour atteinte à la biodiversité et aux paysages.
La commission d’enquête a conclu de façon péremptoire que le projet est conforme aux objectifs économiques et écologiques régionaux, en ignorant tous les arguments des riverains. Elle a choisi de ne pas prendre en considération tous les points évoqués dans les observations qui déconstruisaient un à un les arguments du porteur de projet.
La commission justifie sa décision par des arguments assénés de façon dogmatique qui négligent tous les impacts sur le paysage, les riverains et la biodiversité. L’avis conclut en insistant sur 7 arguments qui apparaissent très faibles.
- 1. Conformité avec le SCoT et le PCAET :
Certes le projet de Bransat apparait dans les documents relatifs aux Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux (PCAET) et aux Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) principalement parce qu’il était le seul identifié au moment où ces documents ont été rédigés. Est-ce que ce simple fait suffit à légitimer un tel projet ? D’autres projets listés dans des PCAET/SCoT n’ont pas vu le jour. Le fait d’inscrire un projet dans ces schémas ne les rend pas obligatoire. Cette conformité ne prend pas en compte les spécificités locales et les préoccupations des riverains. La conformité administrative ne garantit pas nécessairement une acceptation sociale ou environnementale optimale.
- 2. Réduction des émissions des gaz à effet de serre :
En France, il est aujourd’hui reconnu que l’éolien contribue à réduire les gaz à effet de serre que de façon très marginale, voire insignifiante. Notre électricité étant déjà très largement décarbonée grace à notre parc électronucléaire et nos barrages hydroélectriques. Cet argument prétendument écologique ne peut plus être mise en avant et il ne doit pas faire oublier les impacts environnementaux du projet, tels que la perturbation des écosystèmes locaux et la biodiversité.
- 3. Son apport en ressources financières :
L’apport financier pour la commune de Bransat d’environ 26k€/an peut être vu comme une manne. Mais les communes voisines n’auront pas un centime et toutes les nuisances. Il faut évaluer si ces ressources compensent les éventuels coûts sociaux et environnementaux. De plus, il est essentiel de s’assurer que les bénéfices financiers sont équitablement répartis et profitent réellement à la communauté locale. Autre point souvent négligé par les communes comme Bransat est que cet apport fiscal venant de la présence d’un parc peut venir diminuer les dotations générales de fonctionnement (DGF) et finalement perdre tout ce qu’un tel projet pourrait apporter du point de vue financier.
- 4. Une municipalité favorable :
Le soutien de la municipalité de Bransat ne doit pas faire oublier l’avis des communes voisines qui sont pour la plupart opposées (10/17). Un projet d’une telle ampleur ne peut pas être considéré qu’à l’echelle de cette commune sous prétexte que les machines sont plantées à Bransat. Les alentours sont largement impactés au moins autant que cette commune. Cet argument ne permet pas de légitimer le projet. De plus une décision municipale favorable ne doit pas ignorer les voix dissidentes ou les préoccupations légitimes de nombreux Bransatois qui se sont exprimés durant l’enquête publique.
- 5. Une opposition vigoureuse de quelques individus :
Pour une raison qui reste mystérieuse la commission d’enquête conclue que l’opposition est minoritaire alors que plus près de 1000 observations ont été recueillies, l’immense majorité étant opposées au projet. Pourtant peu d’enquêtes publiques dans le département ont atteint une mobilisation. Comment peut on arriver à une telle conclusion ? La commission d’enquête va même jusqu’à comparer le nombre de participants au nombre d’habitants des communes alentours pour tenter de minimiser la participation. Quelle mauvaise foi !
- 6. Le respect des prescriptions règlementaires :
La commission se contente de constater que les habitations sont à plus de 500m des machines et que des normes notamment acoustiques sont en place. Le respect des réglementations est une exigence nécessaire mais pas suffisante. Il est important de vérifier si elles sont suffisamment strictes pour protéger l’environnement et les riverains, et si elles sont appliquées de manière rigoureuse. Implicitement elle se retranche entièrement derrière ces réglementaires qui datent de 15 ans pour ne pas se poser la question de l’impact sur le riverains. Comment peut on penser que des machines de 200m de haut à 500m de chez soit n’aient pas d’impact au quotidien ?
- 7. L’engagement du promoteur pour la réduction de l’impact sur la biodiversité :
Le porteur de projet a prévu des mesures pour réduire l’impact des machines sur l’avifaune. Mais la commission ne pose la question de l’efficacité de ces mesures. Pourtant la LPO avait mis en garde de façon très documentée dans l’observation # sur le risque d’installer des éoliennes dans un environnement aussi riche en biodiversité. La LPO Auvergne-Rhône-Alpes soulignait la perte de 30% des populations d’oiseaux dans les milieux agricoles et insistait sur la nécessité de protéger la biodiversité face aux projets éoliens. Elle rappelait que les éoliennes peuvent augmenter la mortalité des rapaces nocturnes et des chauves-souris, et les systèmes de détection actuels ne sont pas totalement efficaces. De plus l’emprise au sol des éoliennes contribue à l’artificialisation, un facteur majeur de la perte de biodiversité. Enfin ce projet est situé dans des couloirs migratoires importants, augmentant les risques de collision pour de nombreuses espèces d’oiseaux. Il est donc cavalier d’affirmer de façon aussi lapidaire que la conformité au règlementaire suffit à écarter tout risque pour la biodiversité et les riverains. Les engagements du promoteur doivent être concrets et vérifiables. Il est essentiel de disposer de plans détaillés et de mesures spécifiques pour minimiser l’impact sur la biodiversité. Mais la commission ne s’est pas assuré de ce point. Ces points avaient aussi été soulignés dans l’avis de l’autorité environnementale (MRAe) mais rien n’apparait dans l’avis de la commission.
On regrettera également le fait que de nombreuses contributions évoquant l’impact sur les 100 monuments historiques répertoriés dans le 20km ait été totalement oublié dans cet avis.
En conclusion, malgré une opposition massive des habitants et des communes voisines, la commission d’enquête a rendu un avis favorable au projet éolien de Bransat2. Cette décision dogmatique et insensible aux préoccupations locales, soulève des questions sur la prise en compte réelle des impacts pour l’environnement et pour les riverains. La conformité administrative et les arguments économiques avancés ne suffisent pas à légitimer un projet qui divise autant.
Espérons que la préfecture aura une lecture plus critique du dossier et prendra en compte les observations des riverains et la large opposition des élus locaux.