L’augmentation du prix de l’énergie de l’automne 2021 a été aggravée par la guerre en Ukraine. Afin de répondre à cette crise énergétique et de réduire la dépendance européenne aux énergies fossiles, la Commission européenne a publié le paquet REPowerEU le 18 mai 2022 pour rendre les pays de l’Union européenne (UE) moins dépendants des énergies fossiles russes.
Le Sénat a rendu un avis critique sur cette proposition en juillet 2022. Il conclut que cette directive ne respecte pas les principes de subsidiarité et de proportionnalité. En d’autres termes que l’UE dépasse ses prérogatives en matière de choix de stratégie énergétique nationale. Vous trouverez cet avis ici : http://www.senat.fr/leg/tas21-141.html
Durant l’été 2022 le gouvernement français a transposé la directive européenne REPowerEU et a soumis un projet de loi d’exception dans l’urgence aux organes consultatifs. Présenté en Conseil des ministres du 26 septembre 2022, il a été enregistré le même jour à la présidence du Sénat en procédure accélérée, alors que les enjeux de transition énergétique auraient nécessité, au contraire, un débat public, serein et transparent.
Tous les détails ne sont pas connus à ce stade mais 4 axes principaux se dégagent :
-Le gouvernement veut simplifier les procédures d’étude environnementale. Aujourd’hui les projets éoliens terrestres prennent environ 7 ans en moyenne de leur lancement à leur construction. C’est trop long pour l’exécutif qui voudrait réduire ce délai à 4 ans, soit la fin du mandat du président Macron. Une des pistes pour simplifier les procédures serait de transmettre simultanément les documents relatifs à ce déploiement (étude d’impact et dossiers) aux collectivités territoriales et à l’autorité environnementale.
-Un autre axe consisterait à relever les seuils de soumission à évaluation environnementale comme c’est déjà le cas en Allemagne ou en Espagne. Outre Rhin un parc de moins de 20 mâts ne fait pas l’objet d’évaluation environnementale. En Espagne la limite est fixée à 10. Aujourd’hui en France cette évaluation a lieu même pour une seule éolienne. Cette loi aurait pour ambition de se rapprocher des standards européens – moins exigeants – en modifiant les critères et les seuils de soumission à l’évaluation environnementale des projets. Si la France appliquait les mêmes règles que l’Espagne quasiment aucune évaluation environnementale ne verrait le jour car presque tous les parcs comptent moins de 10 machines. L’élévation des seuils de soumission semble violer le droit de l’environnement et notamment le principe général de non-régression du droit de l’environnement introduit dans la loi Biodiversité de 2016. Il est dit que la protection de l’environnement « ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante ». Or, la modification des seuils va à l’encontre de ce principe en autorisant certains projets à porter atteinte à l’environnement.
-Troisième axe, très critiqué aussi, est celui de l’intérêt public majeur qui vise à permettre la destruction d’espèces protégées en considérant le déploiement des EnR plus important que les espèces protégées. Certains projets pourraient être sécurisés par un décret leur attribuant une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM). Dès lors, ces projets pourraient faire fit de l’évaluation environnementale en vue de réduire le nombre de contentieux et d’éviter de retarder la mise en place du projet.
-Enfin dernier point, cette loi prévoit d’indemniser les riverains à travers des réductions sur la facture d’électricité. A ce stade le niveau de remise n’est pas précisé ni le périmètre autour du parc où les riverains pourraient en bénéficier. Même si la remise correspondait au remboursement intégral de la facture d’électricité des riverains les plus proches, pensez-vous que cette somme serait suffisante pour indemniser du préjudice causé (dévaluation immobilière, nuisances acoustique et visuelles…) ? Selon l’INSEE la facture d’électricité moyenne d’un foyer en France est de 2 300€/an. Le préjudice est-il plus ou moins important que 2 300€/an ? Ces indemnités semblent dérisoires par rapport aux nuisances des riverains. Le fait est que cette proposition d’indemnisation dans la loi reconnait implicitement que l’éolien cause des nuisances, ce qui a été nié pendant très longtemps.
Avant d’arriver au Sénat ce projet de loi a été soumis à l’examen de 4 conseils nationaux (CNTE, CNPN, CNEN et Conseil d’Etat). Tous ont déploré des délais trop courts pour un examen approfondi. Néanmoins ils ont délivré un avis dont voici les conclusions :
CNTE : le conseil national de la transition écologique est consulté sur les projets de loi concernant, à titre principal, l’environnement ou l’énergie et sur les stratégies nationales relatives au développement durable, à la biodiversité et au développement de la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises et la stratégie bas-carbone. Le conseil, présidé par le ministre en charge de l’écologie, est composé de 6 collèges et réunit 50 membres. Son avis est très critique. Disponible à cette adresse : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/CNTE%20-%20Avis%202022-2.pdf
CNPN : le Conseil National de Protection de la Nature est l’instance d’expertise scientifique et technique, compétente en matière de protection de la biodiversité et plus particulièrement de protection des espèces, des habitats, de la géodiversité et des écosystèmes. Ce conseil est nommé par décret par le ministère de la transition écologie et est composé de 29 membres. Cette instance a rendu un avis défavorable à l’unanimité. Disponible à cette adresse :https://alliercitoyen.fr/cnpn_avis_pjl_acceleration_enr/
CNEN : le Conseil National d’Evaluation des Normes a la mission d’évaluer les normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Il est composé de 36 membres dont 23 représentants des collectivités territoriales, 4 représentants du Parlement et 9 représentants des administrations compétentes de l’Etat. Les représentants élus sont inquiets de l’article 5 qui n’impose plus de révision du PLUI pour la mise en place des projets ENR, « De manière plus générale, les représentants des élus estiment que cette disposition porte une atteinte grave aux pouvoirs du maire en matière d’urbanisme et donc à l’esprit même du principe de libre administration des collectivités territoriales ». Cette instance a rendu un avis défavorable. Disponible à cette adresse : https://www.cnen.dgcl.interieur.gouv.fr/inlinedocs/8deadadea0da707d8f7f4b8925bf4f0d/deliberation-cnen-du-8-septembre-2022.pdf
Le Conseil d’Etat, de son côté, a relevé la faible qualité de l’étude d’impact dans son avis au gouvernement : « L’étude d’impact du projet est apparue inégale, insuffisante sur plusieurs articles, voire inexistante sur certaines dispositions pourtant importantes (…) Il convient que l’étude d’impact soit complétée sur les différents points qui viennent d’être mentionnés avant le dépôt du projet de loi au Parlement». Avis disponible à cette adresse : https://www.conseil-etat.fr/avis-consultatifs/derniers-avis-rendus
Ces 4 conseils nationaux ont souligné le délai insuffisant de délibération ainsi que le manque de rigueur de l’étude d’impact associée à ce projet de loi qui est apparue comme inégale, incomplète et très insuffisante sur certains articles clé.
Le gouvernement, privé de sa majorité absolue à l’Assemblée Nationale, ne pourra pas seul faire passer cette loi. Il est donc contraint de nouer des accords avec d’autres groupes, dont les LR. Nous espérons que ces parlementaires sauront nous défendre. Le Collectif Allier Citoyens a rencontré les 5 parlementaires de l’Allier au cours des derniers mois pour les sensibiliser aux enjeux de cette loi. Le processus parlementaire va encore durer de nombreuses semaines pendant lesquelles nous surveillerons de près les évolutions. De l’issue de ce projet dépend beaucoup de choses pour notre territoire.