En France comme dans tous les pays, le réseau électrique a été construit pour relier des centres de production très peu nombreux vers des consommateurs situés partout sur le territoire.
L’arrivée des EnR électriques est venue perturber cette logique en plaçant des milliers de points de production disséminés un peu partout, souvent dans des zones peu denses. Le réseau ne peut pas absorber la charge supplémentaire qui se profile avec le développement massif des EnR. Les réseaux doivent être modifiés en profondeur. C’est l’objet du Schéma Régional de Raccordement au Réseau des Energies Renouvelables (S3REnR) qui identifie les adaptations à apporter au réseau électrique pour répondre aux orientations nationales et régionales de la transition énergétique.
A quoi ça sert ?
La modification du réseau électrique est nécessaire pour s’adapter au développement des énergies renouvelables, principalement les filières éolienne et photovoltaïque.
Le S3REnR décline à l’horizon 2030 les objectifs de transition énergétique retenus par l’Etat dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie et par la Région dans le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET).
Le S3REnR permet un accès privilégié des énergies renouvelables au réseau électrique, en leur réservant des capacités de raccordement dans les postes électriques pendant une durée de 10 ans. Il permet d’anticiper et d’optimiser les adaptations à apporter au réseau électrique pour accueillir les énergies renouvelables.
Objectifs du SRADDET
La région ambitionne d’augmenter de 54% à l’horizon 2030 la production d’énergie renouvelable.
Pour le volet électrique :
Soit un objectif d’installer +8 500 MW de puissance électrique productible à l’horizon 2030
Pour le volet thermique :
Les capacités d’accueil en région AURA arrivant à saturation, le S3REnR a donc été modifié en 2020 pour augmenter la capacité d’accueil du réseau RTE d’environ 7 900 MW. Ce document a été soumis à la concertation du publique en décembre 2020 et est en cours de validation par la préfecture de région.
Une fois validée la capacité disponible sur chaque poste sera consultable sur le site https://www.capareseau.fr/
Qui paie ?
Le financement de ces investissements sur le réseau électrique est réparti entre :
- Les gestionnaires de réseau (209 M€) Les coûts associés au renforcement des ouvrages du réseau public de transport d’électricité et au renforcement des transformateurs des postes sources sont à la charge des gestionnaires de réseaux et relèvent des investissements financés par le Tarif d’Utilisation du Réseau Public d’Electricité (TURPE), taxe prélevée sur la facture EDF.
- Les producteurs d’énergie renouvelable (275 M€). Les dépenses à la charge des producteurs sont mutualisées au travers d’une quote-part régionale qui s’élèverait à 35,4 k€/MW.
Pour plus d’informations voir l’excellent blog de J.P. Riou expert énergie https://lemontchampot.blogspot.com/2021/01/le-turpe-nouveau-est-arrive.html
Quel impact pour le département de l’Allier
Les objectifs du SRADDET, les TEPOS (territoire à énergie positive), les PCAET (Plan Climat Air Energie), les demandes des porteurs de projets et les demandes de raccordement faites auprès des gestionnaires de réseau sont prisent en compte pour élaborer le projet de S3REnR.
Dans l’Allier seul Vichy-communauté a élaboré un TEPOS en plus d’un PCAET. Tous les autres EPCI ont décliné leurs ambitions de développement EnR via un PCAET.
Les PCAET des 11 EPCI de l’Allier fixent les objectifs de production électrique d’origine EnR suivants :
Ce qui donne, en appliquant un facteur de charge de 25% pour l’éolien et de 15%, pour le solaire une puissance installée :
Les PCAET des EPCI de l’Allier tablent donc sur une puissance productrice à installer de 842 MW.
Le S3REnR en cours de validation pour le département de l’Allier lui est beaucoup plus ambitieux puisqu’il est prévu que la puissance actuelle (377 MW) soit multipliée par 3,5 pour accueillir à l’horizon 2030, 1 292 MW de capacité supplémentaire.
Le détail des évolutions en zoomant sur les 4 zones définies pour l’Allier :
Et au niveau régional ?
Le tableau ci-dessous liste les capacités d’accueil fixées par département pour la région AURA à l’horizon 2030. L’Allier apparaît comme le plus gros contributeur à l’objectif de la région AURA de déployer environ 7 800 MW d’EnR d’ici 2030.
S3REnR : Augmentation des capacités d’accueil et coût des investissements au niveau Régional
Ce qui ne fait plus aucun doute dans la cartographie fournie par RTE qui résume les capacités réservées par département.
Après 2030
La région prévoit de répéter l’effort consentit de 2020 à 2030 pour 2050.
Toutes les filières seront mises à contribution :
Soit 2 fois plus de PV, 1,6 fois plus d’éolien en 2050 qu’en 2030 pour la partie EnR électrique et 2,5 fois plus de méthanisation pour la partie thermique.
Parions que l’Allier sera une nouvelle fois mis à contribution puisque déjà très largement pourvu sur la période 2020-2030. Ce département sera sacrifié pour satisfaire les ambitions de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) qui prévoit 36% de renouvelables dans la production électrique en 2028.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre
En introduction de la présentation du nouveau S3REnR, on peut lire[1] :
Du point de vue écologique, cette orientation permettra de réduire les émissions de CO2 du système électrique de l’ordre de 0,4 million de tonne par an au terme de sa mise en œuvre. Cette valeur indicative a été calculée avec l’hypothèse d’une production annuelle d’énergie renouvelable supplémentaire de 11 TWh/an et en considérant le niveau d’émission moyen du mix électrique français en 2019 (0,036 tonne CO2 par MWh).
Il faut comprendre que ce schéma promet l’augmentation de la production électrique de la région de 11 TWh/an pour atteindre les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) en 2050, soit 690 TWh/an en France, tout en réduisant les émissions de CO2 de la production électrique de 400 000 t de CO2/an par rapport aux émissions de 2019 qui étaient particulièrement basses (36 gCO2/kWh).
Un Pari Risqué
Pour conclure, le réseaux électrique français doit être revu de fond en comble du fait de l’arrivée des EnR. Le département de l’Allier est particulièrement impacté. Il est celui des 12 de la région AURA qui a la part la plus élevée (17%). Ce schéma s’inscrit dans la SNBC qui vise à substituer toutes les énergies fossiles par de l’électricité : remplacer vos voitures thermiques par des électriques, nos chaudières fioul/gaz par des pompes chaleur… La SNBC fait le pari que d’ici 2050, dans 30 ans, nous aurons remplacé 70% de notre énergie fossile par de l’électricité, alors que l’histoire montre que nous n’avons fait qu’ajouter les énergies les unes aux autres. Un pari risqué…
[1] Page 10 du document d’élaboration du schéma 2030 https://www.s3renr-aura.fr/documents/1.pdf