Le 9 mars 2023, le conseil constitutionnel a validé la loi n° 2023-175 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Elle concerne les projets d’installations de production d’énergies renouvelables au sens de l’article L. 211-2 du code de l’énergie à savoir les énergies :
- Solaire
- Géothermique
- Éolienne
- Aérothermique
- Hydrothermique
- Marine et hydraulique
Mais aussi l’énergie issue de la biomasse, du gaz de décharge, du gaz de stations d’épuration d’eaux usées et du biogaz.
Cette loi vise principalement à réduire les délais administratifs, à planifier les déploiements d’EnR à venir et à améliorer l’acceptabilité de ce type d’installations.
Réduction des délais administratifs
Aujourd’hui les délais administratifs sont de 7 ans en moyenne pour les projets éoliens terrestres. Bien souvent ce sont des recours soulevant le problème de l’impact sur la biodiversité qui allongent les délais, voire les remettent en cause. Pour passer outre, cette loi prévoit plusieurs dispositifs dont celui de la RIIMP (Raison Impérative d’intérêt Public Majeur) qui permettra d’obtenir beaucoup plus facilement les autorisations de destruction d’espèces protégées (DEP).
Toutes les installations ne sont pas concernées par la RIIMP, mais seulement celles répondant aux critères qui seront fixées par décret en Conseil d’Etat.
Les promoteurs devront satisfaire aux 3 conditions ci-dessous pour en bénéficier, leur donnant un droit de détruire des animaux protégés par la loi sous prétexte que le déploiement des EnR prime sur la biodiversité.
La première condition (RIIPM) est acquise avec cette nouvelle loi. Les deux autres (Absence d’autre solution satisfaisante, Absence de nuisance au maintien des populations animales) sont plus simples à obtenir.
La loi a également prévu que les opposants ne puissent pas arguer de la création de zones d’accélération (voir ci-après) pour prétendre que le promoteur n’a pas cherché une “solution satisfaisante” en refusant de s’y implanter. Cette considération est contradictoire avec le fondement même assigné par la loi aux zones d’accélération !
Alors que le règlement Européen limite la RIIPM à une durée de 18 mois, cette loi offre la possibilité de destruction d’espèces protégées pour une durée indéterminée et constitue une grave régression du droit de l’environnement.
Rappelons-nous que cette loi est issue de la directive européenne RepowerEU destinée à promouvoir les EnR dans les états membres. Le gouvernement a fait du zèle en allant au-delà de ce qui était demandé par l’EU.
La RIIPM est en contradiction avec l’objectif initial recherché : climat et biodiversité sont indissociables.
Autre mesure destinée à réduire les délais administratifs dans les zones d’accélération (voir ci-après) : la commission d’enquête pourra rendre son rapport dans un délai de 15 jours au lieu d’un mois aujourd’hui. Elle pourra demander jusqu’à 15 jours supplémentaires sur demande motivée. La durée maximale de la phase d’examen par les services de l’état du dossier constituant la demande d’autorisation environnementale sera de 3 mois avec possibilité de prolonger à 4 mois sur décision motivée. La conséquence prévisible de ces délais raccourcis est un examen bâclé.
Planification et approbation des communes
Zones d’accélération
L’autre mesure phare de cette loi est la possibilité pour les communes de définir des zones d’accélération. Mais ce n’est pas une obligation, même si la pression sur les élus sera importante.
Ces zones sont définies, pour chaque type d’EnR, en fonction des potentiels du territoire concerné et en tenant compte de la puissance d’énergies renouvelables déjà installée.
Elles sont interdites dans les parcs nationaux, les réserves naturelles et lorsqu’elles concernent le déploiement d’installations industrielles éoliennes dans les sites classés, dans la catégorie de zone de protection spéciale ou de zone spéciale de conservation des chiroptères au sein du réseau Natura 2000.
Elles doivent tenir compte des zones d‘activité économique prévues à l’article L. 318-8-2 du code de l’urbanisme, afin de valoriser celles qui présentent un potentiel pour le développement des énergies renouvelables.
La première phase de ce programme consiste pour l’état à informer les communes sur le potentiel d’implantation des énergies renouvelables en mettant à leur disposition les informations suivantes :
- La cartographie de l’éolien définit par les services de l’état,
- Le Schéma de raccordement électrique EnR (S3RENR)
- Le Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires (SRADDET)
- Pour ce qui concerne le solaire, l’Etat doit mettre à la disposition du public les informations du cadastre solaire (surfaces toitures, surfaces au sol artificialisées, parcs de stationnements)
Un dispositif complexe
L’article 15 de cette loi prévoit ensuite une phase de concertation du public dont les modalités doivent être déterminée par la commune.
Suite à cette consultation, la commune aidée par le référent (voir ci-dessous) et/ou l’EPCI identifie, par délibération du conseil municipal, des zones d’accélération. La loi ne définit pas d’obligation en termes de surface, type d’énergie…
La commune les transmet dans un délai de 6 mois à l’EPCI dont elle est membre et au référent.
Dans le même délai de 6 mois l’EPCI délibère sur la cohérence des zones d’accélération identifiées avec le projet du territoire.
A l’issu du délai de 6 mois, le référent arrête la cartographie des zones d’accélération identifiées et transmet cette cartographie pour avis au comité régional de l’énergie (CRE voir ci-dessous).
Au plus tard 3 mois après réception de la cartographie des zones d’accélération le CRE transmet son avis sur le respect des objectifs au référent.
Si l’avis du CRE conclut que les zones d’accélération sont suffisantes pour l’atteinte des objectifs régionaux, le référent arrête la cartographie à l’échelle du département après avoir recueilli l’avis conforme des communes du département par délibération du conseil municipal. La cartographie et l’avis du CRE sont ensuite transmis au ministre chargé de l’énergie ainsi qu’aux EPCI.
Si l’avis du CRE conclut que c’est insuffisant, le référent demande aux communes de revoir leur copie. Les communes disposent de 3 mois pour identifier de nouvelles zones complémentaires et pour les transmettre au CRE qui émet un nouvel avis.
Dans un délai de 2 mois après l’avis du CRE, le référent arrête la cartographie à l’échelle du département après avoir recueilli l’avis conforme des communes du département par délibération du conseil municipal. La cartographie et l’avis du CRE sont ensuite transmis au ministre chargé de l’énergie ainsi qu’aux EPCI.
L’identification des zones d’accélération sera renouvelée tous les 5 ans.
Dans ces zones d’accélération, il n’existera aucune possibilité de recours. Les projets iront à leur terme.
Projets hors zone d’accélération
Même si des zones d’accélération sont définies, le porteur de projet peut choisir de s’installer en dehors d’une de ces zones d’accélération. Le porteur de projet organise alors à ses frais un comité de projet regroupant les communes, les EPCI et les communes limitrophes lorsque la puissance installée est supérieure à un seuil défini par décret en Conseil d’Etat,
La carotte : les Zones d’Exclusion
Si et seulement Si, le comité régional de l’Energie considère que les objectifs régionaux sont atteints à la maille département, les communes du département auront la possibilité de définir des zones d’exclusion.
Jusqu’à présent la loi 3DS du 21 février 2021 portant sur la simplification de l’action locale, offre la possibilité dans le règlement des documents d’urbanisme de limiter les secteurs dans lequel l’implantation d’installation de type éolien est soumise à condition (Article L151-42-1 du code de l’urbanisme).
Pour les communes dont le département aura arrêté une cartographie, des zones d’accélération satisfaisants les objectifs régionaux (avis du CRE), le règlement des documents d’urbanisme (DOO, PLU, carte communale) pourra délimiter des secteurs excluant l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables.
Les secteurs exclus sont applicables uniquement aux projets dont la demande d’autorisation est déposée après l’approbation des documents d’urbanisme.
Des questions en suspens
Quid de ces zones désignées par les communes comme « d’accélération » si les objectifs régionaux ne sont pas atteints à la maille département ?
Même si dans son exposé des motifs, le rapporteur du projet de loi a précisé que « dans le cas où les zones identifiées par l’autorité compétente ne sont pas suffisantes pour atteindre les objectifs, aucune cartographie définitive n’est prise », elles resteront sans nul doute identifiées comme d’accélération puisque désignée telles qu’elles. Les communes n’auront pas la possibilité de sécuriser d’autres zones où d’autres projets pourront voir le jour, comme aujourd’hui, puisque rien n’interdit au promoteur de porter des projets en dehors des zones d’accélération.
On peut également se demander si les propriétaires des parcelles concernées par ces zones seront consultés et ce que vaudrait une zone d’accélération où aucun propriétaire n’aurait donné son accord.
Autre question sans réponse. La surface d’exclusion sera-t-elle la même que la surface de zone d’accélération ? La loi ne dit rien à ce sujet.
A retenir concernant les zones d’accélération / exclusion
- La cartographie des zones d’accélération est arrêtée à la maille département
- Les communes ne peuvent définir des zones d’exclusion que si le CRE valide les objectifs sont atteints pour tout le département
- La commune reste le seul décisionnaire de définir des zones d’accélération ou pas
- Les promoteurs peuvent toujours développer des projets en dehors des zones d’accélération comme aujourd’hui.
- Cette loi est un jeu de dupes. Alors que les élus et les habitants auront fait l’effort de définir des zones où pourront s’implanter les projets, les promoteurs pourront s’installer malgré tout n’importe où sur le territoire communal.
Acceptabilité
Devant la saturation dans certaines régions et le rejets de plus en plus marqué des riverains, cette loi est de faire en sorte que ces projets soient mieux acceptés en évitant une trop forte concentration. Il est prévu de répartir les moyens de production EnR sur tout le territoire et pas seulement dans les zones les plus propices en proposant une modulation tarifaire pour inciter des porteurs de projets éoliens à s’installer dans des zones peu ventées.
En d’autres termes les porteurs de projets éoliens seront incités à installer leurs machines là où le gisement éolien est faible en rémunérant le kWh produit plus cher que dans les zones littorales par exemple.
Fonds d’indemnisation
Un fonds de garantie sera créé pour supporter les pertes financières supportées par les exploitants d’installations de production d’énergie renouvelable en cas d’annulation par le juge administratif d’une autorisation environnement.
Un décret en Conseil d’Etat déterminera les modalités d’application, notamment les conditions, les taux, les plafonds et les délais d’indemnisation pour les sociétés ainsi que le montant de la contribution financière et les modalités de gestion du fonds de garantie.
Ce décret fixe également la limite dans laquelle la dotation initiale à ce fonds peut être imputée aux charges des missions des services publics de l’énergie.
Le montant de ces garanties financières est réévalué périodiquement, en tenant compte notamment de l’inflation.
Nous participerons tous à indemniser les porteurs de projets puisque la dotation initiale au fonds de garantie peut être imputée aux charges des missions des services publics de l’énergie.
Pour conclure
Il est regrettable de voir une loi faire fi de la biodiversité sous prétexte que la lutte contre le climat est plus importante (surtout quand on connait l’efficacité des EnR pour réduire les émissions de gaz à effet de serre). Climat et biodiversité sont indissociables. La RIIPM s’appliquera partout, pas uniquement dans les zones d’accélération. Comment réagiront les élus qui auront fait l’effort d’identifier des zones d’accélération si des projets sont menés en dehors de ces zones ? On verra alors des zones à forte biodiversité disparaitre sans que les élus locaux puissent intervenir.
Cette loi de par sa complexité sera délicate à mettre en oeuvre. De nombreuses questions restent encore sans réponse. Il faudra attendre que le conseil d’état éclaircisse certains points. Le côté positif est que les communes reprennent un peu la main. Elles pourront notamment choisir d’exclure l’éolien de leurs zones d’accélération en promouvant des EnR adaptées à leur territoire (agrivoltaïsme, méthanisation…) sans qu’on puisse leur imposer le contraire. C’est certainement ce que vont faire les élus qui sont de plus en plus nombreux à se rendre compte que l’éolien n’est pas une solution dans l’Allier.
Référent
Un référent, choisi parmi les sous-préfets, est nommé par le préfet du département. Son rôle est de faciliter les démarches administratives des promoteurs, de coordonner les travaux des services chargés de l’instruction des autorisations et de faire un bilan annuel de l’instruction des projets sur son territoire.
Comités Régionaux de l’Energie (CRE)
Ces comités ont été institués par la loi Climat et résilience en Aout 2021.
Ils sont composés au plus de 45 membres et est présidé par le préfet de région et le président du conseil régional. Les membres peuvent être des représentants de la région, des départements, des communes, des EPCI, des représentants d’élus territoriaux ou des collectivités, des porteurs de projets ENR, des associations agréées pour la protection de l’environnement, RTE, ENEDIS…
Ils sont chargés de faire appliquer les objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables.
Les objectifs régionaux sont fixés par décret (non encore paru à ce jour) et doivent être compatibles avec les objectifs du Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) et avec les objectifs nationaux fixés par la loi de programmation pluriannuelle de l’Energie (PPE).
Les schémas régionaux (SRADDET) devront être mis à jour par les régions dans les six mois à compter de la publication du décret relatif aux objectifs régionaux.
Le décret n° 2023-35 du 27 janvier 2023 définit la manière de fonctionner des Comités régionaux de l’énergie (CRE).