Le lundi 22 mai Elisabeth Borne dévoilait les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à atteindre en France pour respecter les nouveaux objectifs de l’UE issus de la directive RED |||, à savoir -55 % par rapport à 1990 d’ici à 2030.

Entre 2022 et 2030, pour atteindre l’objectif de l’UE, il faudra réduire les émissions de gaz à effet de serre de 408 à 270 millions de tonnes. Soit une baisse de 34 % en 8 ans, alors que nous avons réussi à faire baisser ces émissions d’à peine 25% en 30 ans ( de 550 à 408 millions de tonnes). Ce qui fait dire au Conseil d’Etat :

«  …il n’est pas certain que la réduction des émissions puisse être accélérée de façon suffisante à partir de 2024 en vue d’atteindre la cible fixée par le législateur en 2030« 

https://www.citepa.org/fr/2021_06_a10/

L’Académie des Technologies, institution publique indépendante, qui rassemble les meilleurs experts français des technologies et des sciences appliquées dont quatre Prix Nobel tire la sonnette d’alarme dans un avis publié à la fin de la semaine dernière et appelle à une nouvelle politique européenne de l’énergie.

«Les trajectoires projetées ne sont ni crédibles, ni techniquement réalisables, ni même optimales sur le plan climatique, puisqu’elles risquent à la fois d’empêcher l’Europe d’atteindre la nécessaire neutralité carbone en 2050, et de saper encore plus sa souveraineté énergétique».

En introduction l’Académie retrace les grandes lignes qui ont conféré à l’UE une compétence dans le domaine de l’énergie:

  • En 1993, l’acte Unique renouvelle l’objectif européen de lever les entraves aux échanges de biens, services, capitaux, personnes, etc. et organise la libéralisation des marchés du gaz et de l’électricité la libération du marché de l’électricité dans le but unique de lever les entraves aux échanges de biens, services, capitaux, personnes, etc.
  • Puis Le traité de Maastricht (1992) a conféré à l’Union européenne des compétences environnementales dont elle s’est saisie en 2003 pour fixer un objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % en 2020 par rapport à 1990.
  • les traités de Nice (2001) puis de Lisbonne (2007) ont conféré une compétence explicite à l’Union européenne dans le domaine de l’énergie déclinée dans la directive RED I en 2001 fixant un objectif d’énergies renouvelables de 20 % de l’énergie primaire en 2020 puis RED II (2018) qui a porté cet objectif à 32 % en 2030.

RED II a été révisée en juillet 2021 fixant, entre autres, un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à 55 % en 2030, RED II devient alors RED III.

Les objectifs sont-ils bien définis ?

En 2023, l’Académie constate que les outils sont en place mais conduisent à un échec:

  • le prix de l’électricité distribuée au particulier a augmenté de 37 % de 2007 à 2020,
  • Les objectifs de réduction de gaz à effet de serre ont été largement dépassés en 2020 mais ils ne concernent que les émissions de source européenne. Si on y ajoute le CO2 nécessaire à la production des biens importés diminué du CO2 contenu dans les biens exportés, les émissions européennes de CO2 augmentent.

« Ce n’est pas la mise en œuvre de la politique européenne de l’énergie qui a échoué : pour l’essentiel les objectifs sur lesquels l’Union s’est focalisée ont été atteints. L’échec global résulte donc d’un mauvais choix des objectifs, et d’une mauvaise articulation entre eux.« 

L’Académie met en avant l’incohérence entre objectifs et moyens techniques :

Elle salue l’objectif premier qui est la décarbonation de l’économie mais récuse les moyens mis en œuvre pour y parvenir à savoir développer uniquement les énergies renouvelables en oubliant de facto le nucléaire. Imposer les énergies renouvelables en excluant toutes les autres sources décarbonées va à l’encontre d’une disposition essentielle du traité de Lisbonne : « La politique énergétique de l’Union n’affecte pas le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ».

Les moyens pour atteindre les objectifs sont-ils les bons ?

La directive RED III est conçue autour de deux axes:

  • accroitre la part des énergies renouvelables pour la passer à 45% d’ici 2030. Conscient de l’impossibilité d’atteindre cet objectif, le parlement avait introduit une disposition permettant de produire de l’hydrogène « vert » à partir d’électricité issue de la combustion du charbon ou du gaz ! Cet amendement a heureusement été abandonné.
  • organiser les importations d’hydrogène : Selon les vœux du Parlement, chaque État membre devrait présenter à la Commission sa stratégie d’importation ! Après la dépendance au gaz naturel russe, on organise la dépendance envers des pays non identifiés, d’où sera importé de l’hydrogène produit et transporté avec des technologies non définies (hydrogène liquide, méthanol, ammoniac…).

La politique Européenne de l’énergie doit viser la décarbonation de l’économie. Les Energies renouvelables étant un moyen parmi tant d’autres d’y arriver. L’Union doit laisser les États décider de leur mix énergétique, en laissant une chance égale aux autres énergies décarbonées dont le nucléaire.

L’Académie des technologies propose que les textes européens et leurs déclinaisons nationales fixent non pas des objectifs d’énergie renouvelables, mais des objectifs d’énergie décarbonée. Le droit de chaque État membre à déterminer son choix entre différentes sources d’énergie et à fixer la structure générale de son approvisionnement énergétique ne doit pas être entravée par des Directives qui imposent de fait telle énergie au détriment de telle autre.

Référence bibliographique

L’avis de l’Académie est à lire ici

Le président de l’Académie des Technologies Denis Ranque et le président de son pôle Energie Dominique Vignon décryptent cet avis dans un entretien remarqué au journal Le Point ici

On en parle ici aussi (article en entier ici)

Le Plan de décarbonation de l’économie Française n’est pas crédible alerte l’Académie des Technologies

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